le tawhîd ( l'Unité) -Soufisme-

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Un jour, un novice se présenta pour recevoir

l'enseignement d'un maître soufi.

 

« // te faut d'abord trouver la réponse à une question, lui dit l'un des disciples.

Si tu y parviens, le maître t'acceptera comme élève dans trois ans. »

La question lui fut posée et l'élève s'acharna jusqu'à ce qu'il eût trouvé la réponse.

Le disciple du maître porta la réponse au soufi et revint avec ce message :

 

« Ta réponse est correcte.

Tu peux t'en aller et attendre

que les mille et un jours soient écoulés ;

ensuite, tu pourras revenir ici

pour recevoir l'Enseignement. »

 

Le novice était ravi.

Après avoir remercié le messager, il lui demanda :

« Et que serait-il arrivé si je n avais pas su fournir la bonne réponse ?

 

- « Oh, dans ce cas, tu aurais été admis immédiatement ! »

                                                                                                                    Conte soufi

 

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Ton Esprit s'est emmêlé à mon espnt, comme l'ambre s'allie au musc odorant.

Que l'on Te touche, on me touche; ainsi, Toi, c'est moi, plus de séparation.

 

                                                    ***

 

Je suis devenu Celui que j'aime, et Celui que j'aime est devenu moi ! Nous sommes deux esprits, infondus en un (seul) corps !

Aussi, me voir, c'est Le voir, et Le voir, c'est nous voir.

 

                                                    ***

 

 

 

 

 

 "Ah !", est-ce moi, est-ce Toi ? Cela ferait deux dieux. Loin de moi, loin de moi la pensée d'affirmer "deux"!

  

 

 

 

 

 

 

 

        

                                                    ***

 

 

 

 

 

J'ai essayé de prendre patience, mais mon coeur peut-il patienter, privé de son centre ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  'al-Hallâj

 

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Citation:

S’éteindre à notre illusion pour vivre dans le Réel

Tout l’édifice de la métaphysique de l’Être avec ses conséquences (relativité ou illusion du monde, recours nécessaire à la via negativa et au dépassement des oppositions…) n’a de sens que s’il s’ancre dans l’expérience du fanâ’, extinction du « moi » contingent dans le « Soi » divin, annihilation de la conscience humaine individuelle dans la Présence totalisante de Dieu.
Cette expérience est axiale dans le soufisme mais aussi, plus généralement, en islam, puisqu’elle porte l’attestation de l’Unicité (tawhîd) à son degré ultime, et en extrait la quintessence. Les oulémas les plus exotéristes ont donc agréé le fanâ’, en tant que réalisation de la servitude ontologique (islâm).

Les soufis postulent que la seule solution pour connaître Dieu est de s’anéantir dans Son unicité ; de la sorte, l’homme réalise par une expérience tangible que son être et celui du monde n’ont pas de teneur objective : la conscience trompeuse d’être un sujet autonome est pulvérisée, la dualité du sujet/objet est dépassée puisque le sujet s’est volatilisé.
En termes mystiques, l’amant est devenu l’Aimé, le contemplant le Contemplé. Le fanâ’ est vécu comme une libération des souffrances qu’impliquent les limitations de l’ego. Il n’y a pas d’autre issue au labyrinthe de la conscience individuelle conditionnée, en effet, que de détruire celle-ci.
Cette immersion dans « l’océan de l’Unicité » s’accompagne d’une ivresse (sukr) sans pareille.
Sur le plan cognitif, elle correspond à la « conscience unitive » (jam‘). Celle-ci fait suite à l’état ordinaire, profane, de la « conscience séparative » (farq) qui oppose le Réel au monde phénoménal. Par le jam‘, l’individu rassemble (de la racine J M ‘A) toutes les choses qui constituent le monde pour les ramener à leur indifférenciation originelle. Il est tellement dominé par la vision de Dieu qu’il ne perçoit aucune séparation entre les choses et lui .

Cependant, l’extinction unifiante en Dieu n’est pas considérée comme l’acmé de la réalisation spirituelle.
Elle n’est que le prélude à une expérience plus accomplie, celle du baqâ’ : l’initié, ayant consumé ses attributs individuels, « subsiste » désormais en et par Dieu, ce sont les Attributs divins qui agissent en lui.
Selon un hadîth qudsî fréquemment cité par les soufis, Dieu est devenu « l’ouïe par laquelle il entend, la vue par laquelle il regarde, la main avec laquelle il saisit et le pied avec lequel il marche ».
Dans la première phase, celle du fanâ’, l’homme ne voyait rien en dehors de Dieu ; dans la seconde, celle du baqâ’, il Le voit en tout.
A l’ivresse de l’immersion en Dieu succède la sobriété qui permet à l’initié d’être à la fois avec Dieu et avec le monde. Laissant Dieu disposer de lui comme Il veut, il réalise sa servitude ontologique (‘ubûdiyya) en même temps qu’il se met au service des hommes.

Cette double expérience du fanâ’/baqâ’ est si essentielle dans le soufisme que Junayd considère qu’elle le définit à elle seule. « Le tasawwuf, dit-il, se résume en ce que le Réel te fasse mourir à toi-même, et te fasse revivre par Lui . » Ce thème est la transposition sur un plan mystique du verset coranique : « Tout ce qui se trouve sur terre est évanescent (fanin). Seule subsiste (yabqâ) la face de ton Seigneur, pleine de majesté et de munificence » (Cor. 55 : 26-27) .
Au degré du baqâ’, « le mental, dont l’activité s’était complètement arrêtée au stade précédent, reprend sa fonction cognitive normale, et le monde phénoménal réapparaît lui aussi. Le monde se déploie à nouveau aux yeux de l’homme sous la forme des vagues déferlantes de la multiplicité.
Les choses qui avaient été ‘‘réunies’’ dans l’unité se séparent à nouveau les unes des autres en autant d’entités différentes. C’est pourquoi on appelle cette étape celle de la ‘‘séparation après l’unification’’ ou la ‘‘seconde séparation’’ ».

Dès lors," l’initié" perçoit simultanément l’Unité dans la multiplicité et la multiplicité dans l’Unité sans que l’une ne voile l’autre. C’est ce que Ibn ‘Arabî appelle jam‘ al-jam‘ : les choses phénoménales qui avaient toutes été précédemment réduites à l’unité absolue dans le fanâ’, c’est-à-dire dans la première conscience unitive, sont à nouveau séparées pour être encore « rassemblées » dans cette nouvelle vision de l’unité. Présent à toute chose, par Dieu et non par lui-même, l’initié « reconnaît son droit à chacune des deux présences [humaine et divine], et établit une balance dans sa vision des choses ». Il donne à chaque niveau de réalité la considération qu’il mérite.

Un tel être est appelé en soufisme « celui qui possède les deux yeux » (dhû l-‘aynayn), en référence au Coran : « Ne lui [l’homme] avons-Nous pas donné deux yeux […] Ne lui avons-Nous pas montré les deux voies ? » (Cor. 90 : 8, 10). La plupart des hommes ont une vision borgne du monde : ils ne voient que le monde manifesté, et tout le reste leur est voilé ; il en va de même, bien sûr, pour les scientifiques positivistes. Les théologiens exotéristes et le commun des croyants ne voient à leur tour que d’un œil, car ils considèrent Dieu comme transcendant ou immanent, alors qu’Il est les deux à la fois. L’astrophysicien Hubert Reeves tient des propos d’une similitude saisissante : « Nous ne pouvons pas vivre une seule démarche, à peine de devenir fous ou de nous dessécher complètement. Il nous faut apprendre à vivre maintenant en pratiquant à la fois la science et la poésie, il nous faut apprendre à garder les deux yeux ouverts en même temps ».

Même chez les initiés, la vision des « deux yeux » n’est pas assurée. Ceux qui sont plongés dans le fanâ’ voient que « tout est Lui » et donc ils ne voient que l’Unité. Seul « celui qui a les deux yeux », qui est dans le baqâ’, a une vision plénière de la Réalité. « De son œil droit il voit l’Unité : la Réalité abolue et rien d’autre que l’Unité ; et de son œil gauche il voit la multiplicité : le monde phénoménal. Mais le plus important, dans le cas de cet homme, c’est qu’en plus de sa vision simultanée de l’Unité et de la multiplicité, il sait que celles-ci sont, en dernière analyse, une seule et même chose » : c’est le jam‘ al-jam‘.

 

 

Extrait de:
http://science-islam.net/article.php3?id_article=654&lang=fr

 

 

 

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Citation:
le mystère de l’Unicité divine est ineffable ; il ne sied pas à l’homme de l’évoquer car la perception qu’il en a est obligatoirement en deçà de la réalité. D’où la réponse abrupte, et célèbre, d’Abû Bakr al-Shiblî (m. 334/945) - un des maîtres de l’école soufie de Bagdad - à celui qui l’interrogeait sur le sens profond du tawhîd :

« Celui qui définit le tawhîd de façon explicite est un apostat, celui qui y fait allusion est un bithéiste, celui qui l’évoque est un idolâtre, celui qui discourt sur lui est un inconscient, celui qui garde le silence à son sujet est un ignorant, celui qui se croit proche est loin, celui qui en fait son extase est déficient ; tout ce que vous distinguez par votre imagination et ce que vous saisissez par votre intelligence, tout cela est rejeté, vous est retourné, car contingent et créé comme vous-mêmes ».

Un autre maître de cette première période disait que le tawhîd à son stade ultime « aveugle le clairvoyant, confond celui qui raisonne et stupéfait celui qui est sûr de son jugement ».


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Ibn Arabi: le livre de l'extinction dans la contemplation:


 

Or (I'Unique, ou l'Un) ne paraît avec son propre nom, en même temps qu'avec son essence , dans aucun autre degré que dans celui de l'Unité première (al-Wahdâniyya);
Toutes les fois qu'il paraît dans d'autres degrés que celui-là avec son essence, il ne fait pas paraître son propre nom, mais est nommé alors d'après ce que confère la réalité des degrés numéraux respectifs.
Ainsi, par son "nom" propre, il produit l'extinction et par son "essence", il produit la permanence : quand tu dis "un" (ou "unique") s'éteint ce qui est autre que lui par la vertu de ce nom, et quand tu dis "deux", l'entité du "deux" paraît par la présence de l'essence de l'Un à ce degré numéral.
Mais évidemment pas en raison du nom de Celui-ci, car ce nom est contradictoire avec l'existence dudit degré numéral, alors que son essence n'y fait aucune opposition.

 

Ce genre de dévoilement et de science doit être caché à la plupart des créatures, en raison de ce qu'il y a en cela de trop élevé;
Au-dessous de cela, il y a un abîme profond, où la chute est beaucoup à craindre.
En effet, si quelqu'un qui ne possède pas la connaissance des réalités propres des choses et ignore la continuité infinitésimale des attaches universelles , en abordant cet ordre de doctrine contemplative, tombe sur quelque propos émanant d'un être qui a possédé effectivement une telle connaissance, alors que lui-même n'en a jamais eu quelque expérience directe il pourrait (s'autoriser à) dire (lui aussi): "Je suis Celui que j'aime, Celui que j'aime est moi".
C'est pour cette raison que nous voilons et celons ce genre d'enseignement.

 

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Il m'arrêta dans la Gloire et me dit : Nul ne la possède excepté Moi, et elle ne convient à personne d'autre qu'à Moi. Je suis le glorieux dont le voisinage ne peut être supporté, et dont l'endurance ne peut être approchée. J'ai manifesté le Patent et je suis plus manifeste que lui; sa proximité ne m'atteint pas et son existence ne parvient pas jusqu'à moi. J'ai dissimulé le Latent, et je suis plus dissimulé que lui; sa preuve ne s'applique pas à moi, et son chemin ne mène pas directement à moi.

Il me dit: Je suis plus proche de chaque chose que sa connaissance ne l'est d'elle-même; sa connaissance ne peut aller audelà d'elle-même vers moi, et la chose ne me connaîtra pas tant qu'elle se reconnaît à elle-même.

Il me dit: Sans moi, les yeux ne perçoivent pas les choses visibles qui leur sont propres, et les oreilles ne réfléchissent pas leur propre écoute.

Il me dit: Si je manifeste le langage de la gloire, je faucherai les intellects tel le fauchage des faucilles, et j'effacerai les connaissances tels les vents impétueux qui soufflent sur le sable.

Il me dit: Si parle la voix de la Gloire, garderont le silence les voix de chaque qualification, et retourneront au néant les fins de chaque lettre.

Il me dit: Où est-il celui qui s'est doté de ses connaissances pour ma rencontre? Si je lui manifeste la langue de la souveraineté, il récusera ce qu'il a connu, et chancellera comme le ciel le jour du tremblement.

 

 

 

 



 

Al Niffari : le livre des stations;

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Sache que le monde tout entier est miroir,

dans chaque atome se trouvent

cent soleils flamboyants.

Si tu fends le cœur d'une seule goutte d'eau,

il en émerge cent purs océans.

Si tu examines chaque grain de poussière,

mille Adam peuvent y être découverts...

 

Un univers est caché dans une graine de millet ;

tout est rassemblé dans le point du présent...

De chaque point de ce cercle

sont tirées des milliers de formes.

Chaque point, dans sa rotation en cercle,

est tantôt un cercle,

tantôt une circonférence qui tourne.

 

 

Attâr

 


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Dieu a caché la mer et montré l'écume

il  a caché le vent et montré la poussière...

Comment la poussière pourrait-elle s'élever d'elle-même ?.

Tu vois pourtant la poussière, et pas le vent.

Comment l'écume pourrait-elle sans la mer se mouvoir?

Mais tu vois l'écume et pas la mer.

 

 

 

Ton Esprit s'est peu à peu mêlé à mon Esprit, faisant alterner pprochements et délaissements.

 

Et maintenant je suis Toi-même, Ton existence c'est la mienne, et c'est aussi mon vouloir.

 

 

 

 

 

 

 

 

 Il y a une ipséité tienne, au fond de mon néant pour toujours, et mon tout, par dessus toutes choses, s'équivoque d'un double visage.



Où donc est Ton essence, hors de moi, pour que j' y voie clair? Mais déjà mon essence s'élucide, au point qu'elle n'a plus de lieu.

 

Et où retrouver Ton visage, objet de mon double attrait, au nadir de mon coeur ou au nadir de mon œil ?



Entre moi et Toi, il y a un "c'est moi" qui me tourmente, ah ! enlève par Ton "c'est Moi", mon "c'est moi " hors d'entre nons deux!

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